Plus de nourriture avec moins de ressources

Comment se fait-il que la culture de végétaux nécessite moins de terres et d’eau que l’élevage d’animaux?


Tout part du principe des niveaux trophiques. En tant que producteurs primaires, les végétaux nécessitent seulement un sol, du soleil et de l’eau. À l’étape suivante, ces végétaux servent à nourrir les animaux d’élevage, qui doivent être cloisonnés et abreuvés. Il faut donc des terres et de l’eau pour cultiver le fourrage, puis encore des terres et de l’eau pour élever les bêtes. Une part considérable des calories végétales est ainsi consacrée aux besoins de l’animal avant l’abattage — de l’énergie gaspillée du point de vue de la production alimentaire. 


Par ce simple principe, on comprend déjà pourquoi les produits animaux exigent plus de ressources et procurent moins de calories que des végétaux consommés directement par les humains. Pour assouvir l’appétit des populations pour les viandes, les œufs et les produits laitiers, les producteurs n’ont d’autre choix que de convertir des forêts et des prairies en terres agricoles pour le pâturage et la culture de fourrage. 


Idéalement, les animaux d’élevage ne consommeraient que des végétaux non comestibles par les humains, par exemple nos déchets alimentaires et l’herbe de pâturage. Or, la quantité et la qualité de ces denrées ne parviennent pas à subvenir à la demande mondiale. Si tous les animaux d’élevage étaient nourris ainsi, on ne pourrait fournir qu’entre 9 et 23 grammes de protéines animales par personne par jour dans le monde entier. Cela suffirait pour la consommation actuelle en Afrique et en Asie, mais pas pour toutes les autres régions, dont l’Europe, les Amériques et l’Océanie.


Voilà pourquoi environ 40 % des terres cultivables sur la planète servent à la culture de fourrage, qui sera toujours moins productive que celle de végétaux directement destinés aux humains. 


Qu’en est-il de l’eau? La production de viande nécessite et pollue plus d’eau que les équivalents d’origine végétale. On a estimé qu’un citoyen dans un pays industrialisé pourrait réduire l’empreinte hydrique de son alimentation de 36 % en passant d’un régime omnivore typique à un régime végétarien. Ce chiffre concorde avec la fourchette de réduction de 35 à 55 % qui est ressortie d’une étude européenne en 2018.


Dans le cadre d’une étude particulièrement rigoureuse, les chercheurs Joseph Poore et Thomas Nemecek de l’Université d’Oxford au Royaume-Uni ont examiné le bilan écologique de plus de 40 produits alimentaires issus de quelque 40 000 fermes dans 119 pays. Ils ont calculé qu’à l’échelle mondiale, les viandes, le poisson d’élevage, les œufs et les produits laitiers utilisent plus de 80 % des terres cultivables et sont responsables d’environ 55 % des émissions de GES liées à la production alimentaire, mais ne fournissent que 37 % de nos protéines et 18 % de nos calories. 


Les travaux de Poore et Nemecek révèlent aussi que, de façon générale, même les produits animaux avec les meilleurs bilans écologiques accaparent plus de ressources que l’ensemble des substituts d’origine végétale. À titre d’exemple, le bœuf élevé en terres déboisées produit 12 fois plus de GES et occupe 50 fois plus de territoires que le bœuf élevé en pâturage. Mais l’écart avec les protéines végétales comme les légumineuses reste important, puisque le bœuf le plus écologique émet quand même 6 fois plus de GES et occupe 26 fois plus d’espace. 


Les bilans sont tout de même très variables d’un produit animal à l’autre, alors on peut les choisir plus judicieusement. Les viandes rouges comme le bœuf et l’agneau sont bien pires pour l’environnement que les viandes blanches comme la volaille ou le porc, donc le simple fait de remplacer l’une par l’autre diminue l’empreinte écologique de son repas. 


Toujours est-il qu’à très peu d’exceptions près, il est toujours plus écologique de cultiver des végétaux qui se retrouvent directement dans nos assiettes. 

*Cet article de blogue est un exrrait adapté du livre « Végécurieux : 12 bouchées scientifiques pour prendre goût à l’alimentation végétale » par Martin Quirion

—-

Martin Quirion

Membre du Conseil d’administration de TATQ

Next
Next

Un été pour oser végé, par Ann Everitt